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Catégorie : Les Carnets de l’UX par Olivier Sauvage

  • Réinventer la poudre

    Ou comment, en réinventant un concept, on change la vie des gens (en bien)

    Je vous avoue que je ne m’attendais pas à vous parler de grille pain un jour, mais comme tout le monde le sait, il ne faut jamais dire jamais, et la vie est toujours faite de surprises, alors parler d’un grille-pain, non je n’y aurais pas pensé, et pourtant, c’est bien ce que je vais m’apprêter à faire ici.

    Complètement par hasard, et par la magie de Twitter (oui, car parfois, Twitter peut être autre chose que parfaitement irritant), je tombais sur ce tweet intriguant.

    Un tweet, oui, mais pas par n’importe qui. Par Brad Frost, l’inventeur de l’atomic design (on en reparlera un jour, si vous voulez bien). Une image qui avait donc du poids, puisqu’un grand designer parlait de design.

    Intrigué, et désireux de communiquer ma joie palpitante à la vue de cet éminemment intriguant bouton, je faisais défiler les commentaires à ce tweet anodin, afin de faire part de mon ébahissement à cette exaltante photo de boutons. Quand soudain, j’eus le plaisir et le bonheur de découvrir qu’un article entier y avait été consacré (article publié sur theatlantic.com)

    Un bouton magique…

    La marque Breville n’a pas l’air connue par chez nous (je n’en avais jamais entendu parler), mais côté US, elle a l’air de faire partie du paysage des cuisines de millions de foyers.

    Peu importe.

    Qu’est-ce que ce bouton ?

    Eh bien, comme son libellé l’indique , par une simple pression, il permet de griller un peu plus sa tartine, juste ce qu’il faut, juste comme vous le voulez.

    Ça n’a l’air de rien, mais c’est magique.

    Alors pour bien comprendre, il faut savoir que le grille-pain en question a une particularité qu’on ne retrouve nulle part ailleurs : son panier monte et descend grâce à un petit moteur, une sorte d’ascenseur à tranches de pain, quoi !

    Autrement dit, contrairement à d’autres grille-pain, la tartine, quand elle descende dans la fente de l’appareil pour se faire griller, y descend dans un petit monte-charge et pas sous la force du pouce ou de l’index ou du doigt que vous utilisez habituellement pour faire levier sur la manette d’abaissement de votre grille-pain.

    C’est du luxe ?

    Pas vraiment non. C’est de l’expérience utilisateur.

    …qui transforme l’expérience utilisateur

    On transforme l’expérience de grillage en une nouvelle expérience, en rendant la cérémonie de la descente de la tartine un peu plus majestueuse qu’en l’enfonçant vulgairement avec une manette.

    Mais ce mécanisme n’est pas tout. Grâce à lui est né le fameux bouton « A bit more » (« un peu plus »… sous entendu, « un peu plus grillé »).

    Car, que se passe-t-il, quand votre tartine ressort de la fournaise et n’est pas assez dorée à votre goût ?

    Eh bien, habituellement, vous la redescendez dans votre appareil, et vous gardez en mémoire le fait de devoir la remonter au bon moment pour qu’elle corresponde exactement à ce que vous désirez (et parfois, souvent même, vous l’oubliez).

    Mais là, non ! La tartine redescend quelques instants, puis remonte d’elle même, en étant juste « un peu plus » grillée, exactement à votre goût ! Et ça, c’est magique ! (mais oui, et même bien plus que le Métavers).

    Pourquoi c’est magique ?

    Parce que ce bouton est la traduction exacte de ce que doit être un bon design.

    Non pas de l’esthétique pure.

    Non pas une invention révolutionnaire qui va changer le monde.

    Simplement une petite amélioration du quotidien, avec une prise en compte de la vraie vie, et sa résolution par un artifice extrêmement simple. Un petit bouton « Un peu plus » (peut-on rêver d’un libellé aussi malin ?) qui donne toute son âme à ce grille-pain.

    Personnellement, je trouve ça génial. Et je ne vous en voudrais pas si vous me prenez pour un illuminé qui s’exalte à 6h du matin (heure à laquelle j’ai écrit, cet article) sur un bouton de grille-pain.

    Le représentant archétypal de ce que doit être une bonne UX

    Pourtant, prenez bien la mesure de ce bouton, car il est le représentant archétypal de ce que doit être une bonne approche design (alors, je ne vais pas vous faire tout le résumé – car je commence à avoir des crampes dans les doigts -, mais vous invite à lire l’article en entier, car il explique parfaitement en quoi ce bouton est vraiment le résultat d’un condensé des bonnes pratiques de l’UX).

    Et, si vous êtes un UX designer, pensez à ce bouton quand vous concevrez votre prochain projet.

    Et, si vous êtes un maître d’œuvre, pensez-y aussi quand vous essaierez d’innover et de réinventer un service ou un produit. Un petit rien peut faire un grand tout (l’effet Papillon du design en quelque sorte).

    Car, ce n’est pas en tentant de révolutionner le monde qu’on le change, c’est en le réinventant sans cesse, et en explorant sans cesse, et en profondeur, l’essence des choses, que l’on peut en extraire ce qui va en changer l’expérience et innover.

    Exactement – rendons-lui hommage – ce qu’a fait Keith Hensel, le designer du bouton « a bit more ». Il a réinventé la poudre, mais avec quel talent !

    Photo de Keith Hensel, designer
    Keith Hensel (1965-2013)

    PS : cet article n’est pas sponsorisé par Breville 😉

  • Le shopping en 3D, la fausse illusion

    De la croyance erronée que la 3D, c’est mieux

    Tiens, tiens, encore un article qui nous vante les mérites de la 3D pour le shopping en ligne.

    https://www.thinkwithgoogle.com/intl/fr-fr/futur-du-marketing/technologie-emergente/experiences-virtuelles-marques/

    Ça m’étonnera toujours de voir que l’on puisse encore et encore, continuellement, nous vendre ce mode de navigation pour le shopping. Comme si imiter la réalité sur un écran d’ordinateur ou des lunettes de VR serait exactement ce qu’attendent les gens pour acheter des produits en ligne.

    Il y a quelques années, j’avais mené des tests utilisateurs avec Auchan pour expérimenter un « Métavers » de shopping (on ne disait pas encore Métavers en ce temps là). Et ça s’était révélé assez désastreux. Non pas que le produit avait été mal développé, mais tout simplement parce obliger les gens à se déplacer dans des pièces, des rues, des magasins comme ils le feraient en vrai, s’avérait bien trop fatiguant, trop lourd et inefficace, par rapport à faire défiler des listes ou regarder des galeries de photos en 2D.

    Une plus-value quasi nulle dans bien des cas

    L’apport de la 3D était nul. (Sans compter qu’à l’époque le rendu graphique, comme celui encore actuellement de Horizon Wolrd, était beaucoup trop pauvre pour créer de l’appétence, de l’émotion pour un produit à acheter).

    Et donc, je m’étonne encore que certains puissent nous vendre ça comme la panacée du ecommerce (« le Web spatial pourrait devenir la nouvelle norme d’ici à peine cinq ans »)

    Bien sûr, on pourra toujours s’amuser à créer des environnements de shopping imitant la réalité, et même l’améliorant, en la rendant, entre guillemets plus belle. Mais pour quels produits, quelles offres, et avec quelle plus value par rapport aux outils de shopping en ligne ultra-performants que nous avons aujourd’hui (moteurs de recherche intelligent, filtres à facettes, photos et vidéos haute qualité).

    C’était mieux avant ?

    Si vous voulez mon avis, une page de catalogue bien faite est bien plus vendeuse qu’une fiche produit sur un site de ecommerce… mais bien sûr, on ne va pas revenir en arrière. Si je vous dis ceci, c’est pour bien vous faire comprendre que l’acte d’achat repose sur des fondamentaux qui existaient déjà dans le catalogue papier, que le Web a toujours eu du mal à imiter, et que le Web 3D n’améliorera pas :

    • L’émotion que procure une belle photo
    • La possibilité d’accéder rapidement et instantanément à la fiche produit
    • Un descriptif produit et des textes bien léchés

    Mais je ne crache pas entièrement sur le shopping 3D et il existe des domaines/des niches où il peut se révéler fort judicieux. Je vous prépare un article là dessus. Patience !

    Maison Too Faced : une démonstration de shopping en 3D. Même si l’ensemble est sympathique et fait penser plus à l’univers du jeu vidéo que celui du shopping, l’expérience reste déplorable : temps de téléchargements trop longs, poids des médias invraisemblables, scalabilité nulle, vue des produits rudimentaire, accessibilité nulle, empreinte carbone sans doute très mauvaise
  • Quand Amazon imite Tiktok, ça donne quoi ?

    Après Youtube et Meta, Amazon teste aussi l’UX de Tiktok. Et, franchement, ce n’est pas étonnant. Je le dis depuis des années, il faut coller aux habitudes des utilisateurs.

    Et où sont les futures habitudes de navigation ? Apparemment sur Tiktok, étant donné le succès de l’application et de son nombre d’utilisateurs grandissant, mais aussi vieillissant. Les Tiktokeurs d’aujourd’hui sont les consommateurs de demain à n’en pas douter.

    Mais est-ce une si bonne idée que ça ?

    Aujourd’hui, l’interface Tiktok n’est visible que par certains employés d’Amazon. N’essayez donc pas de la trouver sur votre app.

    Une bonne idée qui pose beaucoup de questions

    Peut-on réellement transformer un site de ecommerce en app de réseau social ? Demain, choisirons nous tous nos produits sur une longue liste de vidéos ?

    Évidemment, c’est possible, mais ça pourrait poser pas mal de problèmes.

    Des émissions de CO2 à n’en plus finir

    En ces temps de réchauffement climatique, quand on sait que la vidéo est le média qui consomme le plus de bande passante, d’électricité, et émet le plus de CO2. On ne peut pas rêver d’un Amazon uniquement en vidéo. Ça serait une véritable usine à CO2. Peut-être qu’après l’été que nous venons de passer, nous n’avons pas envie de ça.

    Des coûts de production démultipliés

    En termes de coûts de production, évidemment, la vidéo dépasse allégrement celle de la production de photos. Bien sûr, il ne pourrait s’agir que de vidéos industrialisées, montrant le produit toujours selon un schéma semblable, mais je pense qu’on perdrait un des grands intérêts de Tiktok : sa folie créatrice qui scotche ses utilisateurs à leur smartphone tel des papillons de nuit à la lueur d’un néon.

    Un effort de scénarisation titanesque

    Ce qui fait surtout le succès de Tiktok, ce n’est pas tant son ergonomie, mais surtout ses contenus. Et là, ça va être difficile d’imiter la créativité infini des internautes. On pourra toujours imaginer des milliers d’artistes, scénaristes, vidéastes, tentant de déployer la créativité la plus folle pour tenter de créer les vidéos les plus excitantes possibles, l’énergie à déployer et l’authenticité naturelle des vidéos de Tiktok me semble des objectifs inatteignables, même pour Amazon.

    Conclusion

    En réalité, cette idée de faire une interface à la Tiktok ne pourrait être qu’une approche parmi d’autres pour renouveler l’expérience de shopping. Et c’est sans doute, bien évidemment, l’approche d’Amazon… qui ne remettra sans doute jamais en cause l’immense capharnaüm qu’est devenu son site. Pour cause, son interface a forgé les habitudes millions de consommateurs, et, la changer radicalement aboutirait sans doute à un résultat pire que celui du changement de SNCF Connect. On a vu ce que ça donnait.

    Mais, pour autant, est-ce tout de même une bonne idée ?

    Eh bien, pas si certain, quand on voit qu’il vaut mieux insérer de la pub entre les vidéos pour générer de l’achat (comme sait si bien le faire Tiktok, mais aussi Instagram) que de se fatiguer à faire des vidéos dont la teneur purement commerciale risquerait de détourner les utilisateurs rapidement vers… Tiktok ou un autre réseau social.

    Cela étant dit, l’approche d’innovation de l’américain, comme celui de Walmart, sont sans doute des approches d’innovation beaucoup plus productives et intéressantes que de vouloir faire voler des gros chauves sur une éponge dans le Métavers, comme on tente de le faire de ce côté-ci de l’Atlantique (si vous voyez à quoi je fais allusion).

    Ce n’est pas en faisant des grandes révolutions qu’on fait évoluer le numérique, c’est par petit pas… comme souvent !

    Via le Wall Street Journal

    (photo d’illustration par Solen Feyissa)

  • Un grand besoin d’UX pour les démarches administratives

    Je sais bien qu’il y a la DINUM et je suis sûr que tout un tas de gens s’occupent d’UX pour les services publics, mais enfin quand même ! J’ai l’impression qu’il y a encore pas mal de domaines où les démarches « administratives » semblent avoir été épargnées par les mains de l’UX 🙂

    Ce que je veux dire, c’est que si on veut rendre facile l’accès aux démarches numériques en ligne (et quand je dis administratives, ça n’est pas que pour les services publics, mais tous les services un peu administratifs en général), il va falloir faire l’effort de prendre en compte les enseignements de l’UX. Et je n’arrive pas à comprendre comment encore autant d’applications que je rencontre sont aussi mauvaises à la fois dans leurs fonctionnalités que dans leurs interfaces.

    Comme si les équipes en charge du développement ne s’intéressaient pas à l’utilisateur, mais uniquement au cahier des charges fonctionnel. Comment est-ce possible ?

    Quelques exemples

    J’en veux pour exemples des choses assez communes que j’ai rencontré dans mon quotidien récemment :

    • Le système de réservation de tickets pour la cantine du lycée de ma fille : une catastrophe.
    • L’ENT du même lycée : un exemple de surcharge de fonctions inutiles et une ergonomie dantesque (il faut trois écrans pour se connecter)
    • Le système de prise de rendez-vous de ma mairie : on dirait que ça a été développé en 1990 et jamais changé depuis
    • Le système de demande d’autorisation de ravalement auprès de ma mairie : un formulaire ultra-long, ultra-incompréhensible, et qu’il faut remplir deux fois si on veut accomplir entièrement la démarche en ligne
    • L’interface de gestion de mon syndic d’immeuble : bourré de bugs et organisé visuellement en dépit du bon sens
    Système de réservation de places à la cantine du lycée de ma fille… sans commentaire
    Demande de démarche d’urbanisme pour la Métropole de Lille. Formidable de limpidité…

    Il y a comme un décalage énorme en termes d’UX entre ce qui se fait dans le ebusiness (domaine que je connais bien) et ce que l’on voit dans le domaine de tout ce qui est plus ou moins de l’ordre de l’utilitaire (administratif). On dirait que tous les enseignements tirés de ce que l’on sait dans le premier domaine ne sont pas ensuite utilisés pour le deuxième. Alors qu’il y a tellement à prendre.

    Besoin d’un énorme travail d’évangélisation

    Ce me fait dire qu’il y a non seulement encore un énorme travail d’évangélisation à faire auprès de nombreuses personnes décideuses de ce genre de projet, mais aussi auprès de nombreuses ESN qui ne semblent pas avoir été touchées par les impératifs de l’expérience utilisateur.

    Question : comment faire ?

    Quelles instances mettre en place pour faire passer les messages efficacement ?

    Savez-vous s’il existe des organismes ou des associations dédiées à cela ?

  • Expérimenter avec le métavers

    Carrefour est la marque qui semble avoir pris une des positions les plus avancées dans la recherche de l’exploitation du Métavers… Au moins, on ne pourra pas lui reprocher de tenter des choses… même si, de notre point de vue, les résultats publiés tombent franchement à l’eau.

    On se souvient de la séance de recrutement avec Mr Bompard, PDG du Groupe… et maintenant, il y a cette aventure virtuelle avec Mr Propre. (Explications sur Republik Retail)

    C’est sans doute très intéressant d’un point de vue marketing, même si j’ai un peu du mal à saisir la finalité de ces incursions dans le Métavers dont on garde quand même l’impression qu’il s’agit plus de coups de comm’ que de véritables intentions d’explorer de nouveaux usages.

    Évidemment, ça n’est peut-être pas le but de Carrefour, mais, tant qu’à essayer de faire le buzz, autant le faire en étonnant les gens et en récoltant l’aval de la communauté numérique française… ce qui pour l’instant, au vu des sarcasmes et moqueries qui accueillent chaque tentative, n’est pas le cas.

    Or, je pense qu’il y a vraiment de nouvelles choses à faire, mais peut-être en étant un peu plus audacieux et en essayant vraiment de proposer de la nouveauté. Bien que, je me demande au fond, s’il n’est pas encore un peu trop tôt pour s’intéresser réellement au sujet du Métavers, puisque, pour l’instant, il n’y a pas de Métavers… juste des mondes virtuels disparates, non connectés entre eux, non immersifs, puisque pouvant tous être utilisés sans casque de VR… et cela pose donc vraiment la question, la fameuse, du time-to-market…

    Pour autant, on est en droit de faire de la recherche… et dans un métier comme celui de la grande distribution, on est en droit de s’interroger sur les apports potentiels de mondes virtuels immersifs… même s’il n’y a pas encore de public pour ça…

    Peut-être faudrait-il alors s’orienter dans des directions différentes ?

    1 – Quels nouveaux services pourrai-je imaginer pour mieux servir mes clients dans un contexte de plus en plus fort de transition écologique ? Et là, je pense qu’il y a sûrement des trucs à trouver.

    2 – Tant qu’à m’immerger dans des univers plutôt orientés gaming et réseaux sociaux, comment pourrais-je ne pas innover en lançant mon propre univers, détaché de la marque Carrefour, comme un basculement vers un nouveau métier, en tentant de faire ce que n’ont jamais réussi à faire les marques européennes un nouveau réseau social ? Il me semble qu’à ce stade, même si Meta met le paquet là dessus, ça soit encore possible… Et Carrefour en aurait peut-être la force financière.

    Autrement, je ne vois pas… et je ne vois pas l’intérêt d’essayer juste de transposer en 3D des choses qui fonctionnent déjà très bien en « 2D » aujourd’hui, dans l’ancien Web 🙂

  • Quand Walmart croit à la réalité augmentée

    Application de RA de Walmart
    Extrait d’une app de réalité augmentée de Walmart

    La réalité augmentée, trop moche ?

    Il y a quelques années, la réalité augmentée, je n’y croyais pas vraiment… trop instable, trop moche, trop compliquée à utiliser. Les résultats étaient souvent décevants, pas à la hauteur des ambitions… la technologie encore trop brouillonne… mais il faut bien dire que depuis quelques temps, contrairement au Métavers, la réalité augmentée avance à grand pas, et est bien en train de devenir un outil majeur d’aide à la vente… Et c’est pour ça que je voulais vous en parler. Parce que si on ne peut pas mettre la réalité augmentée à toutes les sauces, il y a quand même moyen d’en tirer un sacré parti pour pousser à la conversion… mais sans doute encore plus : pour rendre de vrais services.

    J’en veux pour preuve les investissements de plus en plus latent de Walmart, le grand distributeur n°1 mondial, qui vient encore de mettre à jour son app pour intégrer 2 nouvelles fonctionnalités de réalité augmentée qui en font de vrais atouts pour améliorer son service client.

    Quand le numéro un mondial de la distribution s’y met, ça donne quoi ?

    La première est tout simplement un simulateur d’ameublement, à l’instar de ce que fait déjà IKEA, mais à priori, en mieux (car on ne peut pas tester la fonctionnalité ici en France). Là, il s’agit tout simplement de pouvoir faire visualiser des meubles que l’on veut acheter dans la pièce de son choix… ça, à travers l’écran de son smartphone. Sur l’app IKEA, j’avais déjà testé la fonction, et je la trouvai encore assez décevante…. les meubles n’étaient pas toujours aux véritables dimensions, ils s’enfonçaient parfois dans le sol… et ils se croisaient avec d’autres objets de la pièce… ce qui ne rendait pas l’expérience très réaliste… Walmart semble avoir fait quelques progrès de ce côté là, notamment en ajoutant un effet haptique qui signale à l’utilisateur lorsque son meuble touche un mur ou un autre meuble, ce qui lui permet de mieux le positionner dans la pièce.

    J’avoue que j’aimerais bien voir ça en vrai 🙂

    La démo de l’app Walmart

    Scanner un rayon : une vision à la superman grâce à la RA !

    Superman, lui, n’avait pas besoin d’app de RA pour détecter les produits sans gluten dans le supermarché où il faisait ses courses

    L’autre fonctionnalité que je trouve vraiment intéressante, c’est la possibilité de visualiser un rayon de magasin à travers à son smartphone et de « filtrer »… oui, filtrer, réellement, les produits étalés en rayon en en faisant ressortir les caractéristiques… Par exemple, dans le rayon gâteau d’apéritifs, vous recherchez ceux qui ne contiennent pas de gluten, hop, l’app les fait ressortir immédiatement par rapport aux autres ! Et je trouve ça très pratique, très utile, et sans doute très intelligent… combien de fois ai-je passé du temps à chercher un produit en rayon tant il y en a et que j’ai fini par désespérer d’en trouver un… une telle app pourrait être d’une très grande aide…

    Est-ce un truc de geek ?

    Sans doute encore un peu, car j’imagine mal, la consommatrice du samedi après-midi dans un Auchan sortir son smartphone et scanner un rayon… mais, peut-être que ça changera, surtout, si un jour les lunettes de réalité augmentée percent sur le marché (ce qui n’est pas demain la veille, me direz-vous).

    On y croit !

    Bref, si Walmart y croit, j’y crois ! Et il y a de fortes chances que l’on voit apparaître de plus en plus de fonctions de réalité augmentée sur les apps pour aider les gens à s’y retrouver dans des environnements compliqués ou bien pour les aider à faire des simulations, simplement, et leur permettre de mieux se projeter dans un certain futur.

    Et si l’on parle ici de commerce, on peut même aussi très bien imaginer des applications dans le domaine public comme l’orientation dans une ville pour le tourisme… ce que commence déjà à faire en partie Google Maps, mais qui va être amené à être de plus en plus fréquent. Ou bien, pourquoi pas, la recherche d’un livre dans une bibliothèque… bref, les applications pourraient être nombreuses pour peu que l’on se donne la peine de réfléchir à leurs avantages….

    Le seul frein que je vois à la réalité augmentée ?

    En ce moment, c’est sans doute encore le manque de naturel à l’utiliser… mais imaginons que, demain, Apple, pour ne citer qu’elle, intègre un module de RA directement dans son appareil photo, et que Google fasse de même avec Android, alors l’usage de la réalité augmentée pourrait se généraliser beaucoup plus rapidement que prévu. Souvenez-vous du QR code… il a fallu qu’Apple intègre sa lecture nativement dans son appareil photo pour qu’il se généralise et soit adopté pour de multiples usages.

    Alors… si, en ce moment, il y a des choses à expérimenter, ça n’est pas en faisant des opérations de comm’ dans le Métavers, mais bien en explorant les usages et les utilités de la réalité augmentée.

    Via Walmart

  • [ANALYSE UX/UI] Le nouvel Amazon Prime Video n’est-il qu’une pâle copie de Netflix ?

    Ah, tiens, Amazon Prime Video vient d’annoncer, Ô surprise, la refonte complète de son interface. Une première depuis plus de 5 ans, pas inutile, alors que le service pâtissait d’une esthétique et d’une utilisabilité médiocre, et avait déjà un look ringard à sa sortie. Et, Ô surprise à nouveau, devinez quoi ? Le nouvel Amazon Prime Video ressemble à s’y méprendre à l’interface de Netflix. Étonnant, non ?

    Eh bien, en fait, pas tant que ça… et ça me semble intéressant de comprendre pourquoi 🙂

    Présentation de la nouvelle interface par l’équipe d’Amazon Prime Video

    Pas un simple copier-coller

    Tout d’abord, il faut bien se l’imaginer, même si la nouvelle interface d’Amazon Prime Video ressemble effectivement beaucoup à celle de Netflix, il ne s’agit pas d’un simple copier-coller, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Mais, en réalité, il s’agit bien du fruit d’un travail de plus de 18 mois d’études et de recherche (et notamment, de nombreux tests utilisateurs comme nous en menons tous les jours chez WEX).

    Pour en savoir plus sur notre méthodologie des tests utilisateurs cliquez ici 👈

    Mais alors, me direz-vous, pourquoi passer 18 mois à faire des études pour refaire presqu’exactement l’interface de Netflix ? Amazon aurait-elle de l’argent à perdre ? (peut-être, mais ça n’est pas la raison)

    En réalité, il s’agit d’une question liée aux habitudes… celles des utilisateurs de Netflix d’abord, et celles, en général, de tous les utilisateurs de plateforme de streaming.

    Franchir le mur des habitudes

    Amazon n’est pas folle. Et sait très bien que refondre un site passe par une certaine prudence. Quand on veut tout changer… paradoxalement, mieux vaut ne pas tout changer. SNCF Connect s’en souvient encore ^^

    Et, en réalité, quand on veut tout changer, mieux vaut se baser sur ce qui existe déjà et notamment les bonnes habitudes des utilisateurs, même de ceux qui sont chez les concurrents. C’est un phénomène bien connu des UX designers. Quelle que soit la qualité de l’ergonomie d’une interface, ce qui compte avant tout, ce sont les habitudes que s’y sont forgées les utilisateurs. Elle peut ne pas être ce qui se fait de mieux… si les gens l’utilisent, Il vaut mieux s’inspirer de leurs habitudes, justement, pour ne pas les bousculer.

    Et quand il s’agit de refondre un site sur un service dont les similarités sont grandes avec un autre service, il s’avère bien plus prudent de reprendre ces habitudes, plutôt que, encore une fois, d’essayer de les défier.

    Et c’est exactement ce qu’Amazon a fait.

    Et d’ailleurs, une autre explication vient se superposer à celle là.

    Le patron de la refonte d’Amazon Prime Video n’est autre que celui qui avait mené celle de Hulu (un autre acteur du streaming) en 2017 et qui avait dû reculer sous la pression de ses utilisateurs à cause, justement, de changements trop drastiques…

    Prime Video Interface
    Aperçu de la nouvelle interface Prime Video

    Un éclairage intéressant

    C’est toujours la même histoire… et ça nous donne un éclairage assez intéressant sur la problématique des refontes. De manière peut être un peu désespérante, l’UX n’est pas un métier qui favorise l’audace quand il s’agit de faire évoluer des sites ou des apps à fort trafic.

    Au contraire, il s’agit, avec un art consommé, d’apprendre à s’adapter à ses utilisateurs, en injectant, certes de la nouveauté dans une interface, tout en ne faisant pas changer d’habitudes ces mêmes utilisateurs. Et c’est exactement ce qu’a fait Amazon Prime Video… tout changer, en s’inspirant de ce qui existait déjà pour minimiser le risque du changement… copier sans copier… je l’avoue, c’est un peu paradoxal.

    Maintenant, Amazon aurait-il pu s’épargner ce travail d’étude de 18 mois ?

    Non, car ses équipes avaient besoin de s’approprier le sujet, mais aussi et surtout de vérifier que ce qu’il y avait sur Netflix fonctionnait aussi bien que ça en avait l’air. Car, si à première vue, l’interface de Netflix est plus séduisante… rien ne dit qu’elle est plus fonctionnelle, et plus utilisable qu’une autre… et ça, personne ne peut le savoir, à moins de faire des tests utilisateurs.

    Alors, quand vous ferez votre prochaine refonte de site, pensez à cet article… Et dites-vous bien que si vous voulez qu’elle soit une réussite, vous ne devrez pas vous jeter tête baissée, soit dans la copie, soit dans l’innovation totale, mais que vous aurez bien besoin d’en passer par une phase d’étude, pour pouvoir proposer l’expérience, en réalité, la plus adaptée à vos futurs utilisateurs, ainsi qu’à vos utilisateurs actuels.

    Pour en savoir plus sur notre méthodologie de refonte UX/UI cliquez ici 👈

    (Plus de détails sur la refonte sur le site The Verge)

  • L’écodesign peut-il entraîner l’effet rebond ?

    On le sait tous : parfois, créer des machines moins gourmandes en énergie, plus sobres, peut entraîner, paradoxalement, plus de dépenses d’énergie.

    C’est ce qu’on appelle l’effet de rebond et il est fort connu quand on parle, par exemple, du domaine de l’automobile.

    Les voitures d’aujourd’hui sont, par exemple, bien moins gourmandes que leurs aînées des années 70, mais pour autant, l’Automobile continue à polluer de plus belle, parce qu’en réduisant les coûts de consommation des moteurs de voitures, les gens se sont mis à rouler plus, plus souvent, plus longtemps, par compensation du prix. Annihilant l’effort qui avait été fait au niveau de chaque véhicule.

    Explication de l’effet rebond en anglais (Source : https://www.energysufficiency.org/static/media/uploads/site-8/library/papers/sufficiency-rebound-final_formatted_181118.pdf)

    L’écodesign pourrait-il mener au même problème ?

    A savoir, créer des sites plus sobres pourrait-il entraîner une plus grande consommation de ces sites ? Et ainsi, à nouveau, annihiler l’effort qui avait été fait pour réduire leur empreinte carbone ?

    Eh bien, ça n’est pas sûr.

    En effet, le coût de consommation d’un site pour un utilisateur est nul (en termes pécuniaires). Qu’il l’utilise une heure ou deux heures ne changera rien pour son porte-monnaie. Tout au plus réduira-t-il un peu sa facture d’électricité, mais cela sera tellement négligeable qu’il n’y verra que du feu.

    Autrement dit, rendre un site plus éco-responsable ne va pas entraîner chez le consommateur un besoin accru d’utiliser ce site.

    Bien sûr, cela ne va pas dire qu’il n’y aura impact sur la consommation de bande passante du Web, mais un site éco-conçu, c’est à dire moins gourmand en énergie pourrait sans doute avoir surtout deux effets un peu contradictoires, et, à mon avis, pas proportionnels l’un à l’autre.

    Premier effet : un site éco-conçu devrait permettre en principe d’aller plus vite, d’accomplir ses tâches plus rapidement, plus efficacement, donc, et en gagnant du temps sur celui qui aurait été nécessaire pour accomplir les mêmes tâches avec un site non éco-conçu (petit rappel pour ceux qui ne le savent pas, l’éco-conception de site a fortement tendance à améliorer leurs performances de téléchargement et de vitesse d’affichage).

    Cela pourrait très bien se confirmer dès lors qu’il s’agit de sites administratifs ou applicatifs, pour lesquels on est venu faire une chose en particulier. L’économie, dans ce cas, pourrait être flagrante.

    Deuxième effet : un site éco-conçu devrait permettre d’aller plus vite pour passer une commande sur un site de ecommerce, mais, de part le confort d’utilisation qu’il offrirait, pourrait aussi permettre à des utilisateurs de passer plus de temps à faire du shopping, contrebalançant par là l’économie réalisée auparavant.

    En fait, on le voit bien, il y a toujours deux facteurs à l’œuvre dans l’amélioration de la performance d’un site (ce qu’implique l’écodesign) : du temps gagné pour accomplir les tâches, du temps généré en plus pour continuer les mêmes tâches si elles font partie du domaine du loisir, du divertissement, dont le shopping fait partie, bien évidemment.

    Mais, on pourrait se poser la question, ces deux effets s’annulent-ils ? En gros, ce que l’on gagne d’un côté, le perd-t-on de l’autre ?

    Source : https://la-mode-a-l-envers.loom.fr/cest-quoi-leffet-rebond/

    Honnêtement, il n’est pas facile d’avoir de réponse tranchée… Même avec une étude… car il faudrait disposer de montagnes de données pour arriver à se faire une idée… et personne ne pourrait être capable de le faire, même Google…

    Cela ne tranche pas le débat… Et sans doute qu’il faudrait explorer la question un peu plus loin, comme l’a fait récemment Tom Greenwood, expert ecodesign au Royaume Uni, que j’avais interviewé, et qui pense quand même que l’écodesign permet partiellement de s’affranchir de l’effet rebond : Are we trapped in the Jevons paradox?

    Pour ma part, je ne pense pas qu’il faille réellement se poser la question. Concevoir des sites plus légers, plus rapides, plus faciles à utiliser va dans le sens d’une bonne UX. Et c’est exactement ce que permet l’écodesign. Il ne faudrait donc pas s’en priver. Et donc, il reste tout à fait utile de s’interroger sur la performance de son site, tout en se disant que d’améliorer sa performance est, d’une certaine manière, aussi une façon de réduire les émissions de CO2, malgré le fameux effet de rebond.

    Que pourrions-nous faire d’autre sinon ?

  • Faut-il aider les services publics à améliorer leur UX ?

    Il est urgent d’accompagner les administrations dans la création d’interfaces adaptées à leurs concitoyens

    Minitel et téléphone dans les années 80

    Cela fait longtemps que je me pose la question et que je me demande comment il serait possible d’aider les administrations et les services publics en tout genre à améliorer l’UX de leurs sites.

    Non pas que tout soit à jeter, mais beaucoup de sites ou d’applications offerts par les mairies, les conseils généraux, régionaux, beaucoup de services liés à l’éducation, demeurent encore très en dessous de ce que les français sont en droit d’attendre de leurs administrations.

    Il ne s’agit pas d’une exigence, mais il s’agit bien de mettre à niveau des outils qui soient utiles et utilisables par tout le monde, et pas uniquement par les plus aguerris avec le numérique. Il y a, selon moi, un véritable défi à relever pour parvenir à engendrer un processus vertueux de créations d’interfaces qui permettent vraiment de faire gagner du temps et de rendre efficace TOUS les services en ligne des administrations.

    Encore trop d’interfaces archaïques

    Or, c’est loin d’être le cas actuellement. Sûrement pour tout un tas de raisons variées, mais j’en vois au moins deux :

    1. Les responsables politiques ou administratifs ont du mal à saisir les enjeux de l’UX. Ils ne connaissent sans doute pas bien le terme, mais plus encore, ils ne savent pas qu’il existe des possibilité pour accompagner leurs équipes informatiques pour travailler de fond en comble l’accessibilité de leurs interfaces à tous les niveaux
    2. Il existe de manière encore trop répandue une mentalité parmi les équipes IT en charge du développement de ces applications qui rejette l’UX ou simplement la méprise, comme si elle n’était pas nécessaire. Ou comme si elle était superflue. C’est une mentalité que je connais bien et qu’il me semble encore nécessaire d’affronter, même encore après plus de quinze d’évangélisation de l’UX auprès de nombreux publics.

    Quelles instances pour insuffler l’UX à tous les niveaux ?

    C’est pourquoi je me demande si il ne serait pas utile de créer au niveau des régions des instances d’évangélisation et de formation à l’UX à la fois pour les personnes responsables des projets informatiques et mêmes des différents services fournis à leurs administrés, mais aussi pour les équipes en charge du développement, pour qui l’UX, en général, demeure une préoccupation secondaire.

    Ce serait un travail de titan que de faire sa mise en œuvre et sa conduite, mais il me paraitrait nécessaire afin de mieux servir les français et de leur faire mieux profiter du numérique dans l’exercice au quotidien de leur citoyenneté.

    A ce sujet, il me semble qu’un des meilleurs moyens de faire avancer les choses serait le testing systématique des interfaces des sites publics. Quand je dis « le testing », il s’agirait de conduire systématiquement des tests utilisateurs sur ces sites. Ces fameux tests utilisateurs que Wexperience conduit au quotidien pour ses clients dans le privé et qui se révèlent d’une redoutable efficacité quand il s’agit de convaincre et de faire changer d’avis les décideurs sur la nécessité d’intégrer l’UX à des projets informatiques.

    Ca serait sans doute un accompagnement intelligent de toutes ces instances pour les aider à progresser et faire qu’elles puissent proposer de meilleurs outils Web à leurs concitoyens.

    Qu’en pensez-vous ? Quelles solutions pourrait-on imaginer pour aider les administrations à améliorer l’UX de leurs sites ?

  • Pas de numérisation sans humanisation !!!

    Quand ma mère, 74 ans, voulut prendre rendez-vous à l’hôpital pour prendre rendez-vous avec un spécialiste, la personne au bout du fil lui répondit qu’elle ne pouvait le faire que par le site Internet de l’établissement hospitalier. Elle raccrocha, puis essaya de se connecter au site… un quart d’heure plus tard, se sentant incapable d’affronter un formulaire récalcitrant, elle appela mon frère, l’informaticien de la bande, pour l’aider à prendre rendez-vous.

    Quand j’eus besoin de modifier une location de véhicule et que j’appelai le service de réservation et que celui-ci me répondit qu’il ne pouvait rien faire, car j’avais effectué ma réservation sur Internet, un lent et lancinant désespoir m’envahit.

    Cela vous est aussi arrivé ?

    Pas étonnant ! Nombreux sont les systèmes nous renvoyant à notre impuissance. Impuissance de pouvoir se confier à humain pour résoudre à un problème. Impuissance des humains à pouvoir modifier le cours d’un algorithme.

    Le tout numérique : une fausse bonne idée

    C’est un vieux débat : « Pourquoi numériser entièrement un service peut mener tout droit à un enfer sur terre ».

    L’ère du Web a amené aux entreprises une grande opportunité. Celle de déléguer à ses usagers/utilisateurs des tâches qui, auparavant étaient exécuté par leurs collaborateurs. L’utilisateur final, le client, l’usager, dans ce nouveau contexte, prennent, sans qu’ils en aient bien conscience, le rôle de l’agent de saisie et peuvent, tel est l’espoir de la numérisation, se débrouiller tout seuls sans recourir au temps et au service d’un autre humain.

    Quel progrès ! Dans cette numérisation résidaient de nombreux avantages sur lesquels les entreprises allaient se ruer :

    • Réduire le coût humain de production de ce service
    • Déporter une partie du travail à accomplir sur l’utilisateur final
    • Industrialiser le service et le centraliser
    • Réduire l’empreinte carbone en réduisant les déplacements et la production de paperasse
    • Supprimer les irritants humains

    Les entreprises privées s’y sont mises très rapidement, les administrations publiques dans un grand élan d’enthousiasme ont suivi, plus tardivement, avec un objectif de numérisation complète de toute « leur offre ». Un mouvement vers la modernité, pensait-on, un mouvement vers une plus grande efficacité, mais qui recelait des vices qui ne se révélèrent que lorsque les premiers dégâts apparurent.

    Quatre raisons qui font qu’un service ne peut être entièrement numérisé

    On l’a longtemps cru. Ou on a fait semblant de le croire pour éviter de se poser les bonnes questions : tous les services ne peuvent être entièrement numérisés. Pour plusieurs bonnes raisons.

    Premièrement, parce que, il existe des opérations si complexes ou si lourdes qu’il ne peut pas être sérieux de les confier à des utilisateurs amateurs, comme l’est, la plupart du temps le grand public.

    Deuxièmement, parce que la complexité du monde étant ainsi faite : il n’est pas possible, jamais possible d’anticiper les exceptions qu’un service peut subir de la part de ses utilisateurs et que, en conséquence, ces exceptions ne peuvent, par définition, n’être traitées que par des humains.

    Troisièmement, parce qu’il existe, et qu’il existera toujours des personnes en souffrances face aux interfaces et à leur complexité. Et cela pour de multiples raisons : difficultés intellectuelles, handicaps, vieillesse, accidents, etc

    Quatrièmement et dernièrement, parce que bannir totalement l’humain des services est couper le sens même du mot service, puisque par définition, il s’agit d’un acte de personne à personne, entre humains. Et cela, on l’oublie trop souvent.

    Le tout numérique est un rêve de développeur ou de technologue, une illusion qui fait croire que la technologie peut toujours tour résoudre. Or, on devrait bien le savoir maintenant, il n’est est rien.. On peut toujours rêver d’IA, de systèmes auto-apprenant, de synthèse vocale, de multivers ou de je ne sais quel technologie magique, il existe irrévocablement des trous dans la raquette des systèmes informatiques que seuls des humains peuvent combler.

    Les conséquences du tout numérique peuvent être dramatiques

    La conséquence du tout numérique est souvent dramatique.

    Si dans le commerce, elle ne peut conduire qu’à de la frustration. Dans le domaine publique, ses conséquences peuvent être bien plus graves.

    De nombreuses personnes aujourd’hui n’ont plus accès à ces services publiques, car ils ont été remplacés par des machines !

    Payer ses impôts, payer une amende, vérifier ses remboursements, de nombreuses démarches s’effectuent aujourd’hui en ligne. Et si ces démarches peuvent s’effectuer plus ou moins facilement pour le plus grand nombre de personnes, il n’est pas sûr que ça soit le cas pour l’ensemble de la population. Surtout quand ces services ont été conçus sans l’aide de l’UX. Et croyez-moi, il existe encore de nombreuses applications, de nombreux services publics qui n’ont absolument pas été pensés dans une démarche qui les rendrait accessibles à tous, et qui, de de fait, mettent en difficultés de nombreuses personnes.

    L’humain, ce satané grain de sable dans la machine numérique

    Deux aspects de la numérisation me semble souvent sous-estimés dans les projets de services numériques. Le premier a trait aux utilisateur eux mêmes. Le deuxième à la question essentielle qu’un service pour répondre parfaitement à son rôle doit d’une manière ou d’une autre inclure de la relation client/usager… autrement dit, mettre de l’humain dedans.

    1. Un certain nombre de personnes, pour des raisons diverses seront toujours peu ou prou récalcitrantes aux services numériques
      1. elles n’ont pas les moyens financiers et techniques de les utiliser (mais, c’est plus rare qu’on ne l’imagine)
      2. elles n’ont pas les moyens cognitifs et intellectuels pour les utiliser : handicaps, mais aussi illettrisme, etc
      3. elles ont des difficultés à utiliser la complexité des outils numérique (illectronisme)
      4. elles sont récalcitrantes… là, il y a débat, mais il est difficile d’interdire totalement à ceux qui n’en veulent pas des services numériques… mais ça, ça n’est pas une question d’UX
    2. L’humain, comme on aime à dire dans le marketing, reste une composante essentielle de la qualité de la relation client/usager… ne mettez d’humain nulle part et vous déshumaniserez (lapalissade, me direz-vous) totalement votre service jusqu’à en faire une horreur informatique. Je ne crois pas que nous voulions vivre dans le monde de Wall-e où tous les services sont délivrés par des machines et où nous ne serions plus que des consommateurs totaux, mais qu’au contraire, nous aurons toujours besoin de sentir et d’éprouver la présence humaine dans un service… par essence, ne l’oublions pas, nous sommes des êtres sociaux… et imaginer que tout ce avec quoi nous interagissons ne puissent être que des machines et des programmes me laisse songeur… voulons-nous vraiment d’un monde sans humain ?

      Et enfin, n’oublions pas d’ailleurs que l’humain, sa présence, sa chaleur, ses émotions font aussi partie du service… amputer un service de sa partie humaine, c’est dégrader ce service… un bon service numérisé, c’est un service qui inclut de la relation humaine, paradoxalement.

    On comprend bien, à cet aune, que le tout numérique repose sur un postulat de départ faux et qu’il nous est impossible de concevoir des services numériques sans y inclure la dimension humaine. J’en veux pour preuve simplement les systèmes de ventes de billets de train. Aujourd’hui, la plupart d’entre nous les achètent sur une application ou en borne en gare… mais lorsqu’il y a un problème, un souci, vers qui nous tournons nous ? La machine ou une personne bien vivante en chair ou en os ?
    Et que se passe-t-il quand nous nous retrouvons face à la machine seule ? Une colère immense !

    La question du « comment on met de l’humain ? »

    Mettre de l’humain dans les parcours numérique ? Voilà la vraie question : « Oui, mais comment ? » Comment intégrer l’humain dans les parcours utilisateurs pour que la qualité de service se maintienne, mais, que, dans le même temps, elle arrive à un équilibre économique qui ne la mette pas en péril dans le temps, autrement dit que ce service soit rentable… car, c’est aussi, à mon avis, et notamment dans le public, une erreur de penser qu’un service ne puisse pas être équilibré économiquement.

    Mon propos n’est pas ici de fournir des méthodes de conception de parcours utilisateurs. Je pense qu’il y a aujourd’hui suffisamment de spécialistes de l’UX pour savoir quoi faire. Il est plutôt d’avertir les commanditaires de la nécessité de prendre en compte en amont de la conception d’un service de l’intégration de la dimension humaine de ce service.

    Le tout numérique est une lubie dangereuse, qui sous la brillance et l’éclat de la technologie, pourrait faire croire à la solution à tous les problèmes. La vérité oblige à dire que rien n’est plus faux. Un bon service intègre à la fois de l’automatisation, de l’industrialisation, des algorithmes plus ou moins malins, mais aussi forcément de l’humain, voire parfois uniquement de l’humain pour certains types de clients/d’usagers.

    [caisse sans caissière, on a quand même des gens pour aider, assister, et on peut se déporter vers les vraies caisses]

    Je crois réellement, et j’en ai même la certitude, que les parcours humains doivent être non seulement aussi soigneusement conçus que les parcours numériques, qu’ils doivent être le plus accessibles possibles, et que c’est parcours doivent être intégrés harmonieusement et parfaitement aux parcours numériques.

    Dans l’absolu, il devrait pouvoir toujours être possible de se retourner vers un interlocuteur humain lorsque « J’ai un problème »… ce qui est honnêtement une possibilité plutôt rare.

    • Combien de sites cachent leur numéro de téléphone dans les tréfonds d’une FAQ ?
    • Combien de sites affichent des chatbots aussi inutiles, idiots et inefficaces que possible, prétendant imiter l’intelligence humaine, mais incapables d’apporter aucune aide ?
    • Combien de sites renvoient sur de vieux services vocaux téléphonique digne d’une mauvaise dystopie ?
    • Combien de sites ne tentent même pas de répondre humainement à leurs utilisateurs ?
    • Combien de sites répondent à des emails 3 jours plus tard alors que c’est maintenant ou tout de suite que l’on a besoin d’eux ?

    En réalité, beaucoup de services esquivent cette problématique et préfèrent ne pas entendre les complaintes. Pensant qu’un client/usager silencieux est un client/usager content.

    Mettre des humains en face d’autres humains est compliqué

    Certaines personnes pensent qu’il suffirait de revenir en arrière dans un monde sans numérique… un monde avec des gens derrières des guichets… un monde passé sur lequel il est facile de fantasmer… en oubliant, très certainement pour ne pas l’avoir vécu, à quel point il était pénible de faire des démarches auprès des administrations et du temps que nous y perdions, pour un document oublié, un horaire dépassé, une file d’attente trop longue.

    Elles prônent un retour de l’humain en reniant totalement les apports du numérique. En oubliant totalement les économies réalisées et les gains de temps réalisés pour tous. Car oui, la numérisation, c’est aussi beaucoup d’avantages comme on l’a déjà dit en ce début d’article.

    Les bureaux de la securite sociale avenue SimonBolivar a Paris en 1946 (La Securite Sociale fut creee le 4 octobre 1945 en France.) — Offices of French national health and pensions organization in Paris in 1946

    La solution consiste donc bien sûr à mettre en place des parcours utilisateurs/usagers qui mêlent les deux types de relations : numérique et humaines. Or, les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées semblent rechigner assez facilement à avoir cette approche.

    J’avais eu un bref échange à ce sujet, sur Twitter, à propos du support d’Apple. Quelqu’un avec qui je chattais s’étonnait et s’émerveillait de la qualité de ce support en se demandant pourquoi beaucoup d’autres marques ou services ne parvenaient pas à fournir une telle qualité d’écoute, d’échange et de résolution de problèmes.

    Je lui disais que c’était parce que je pensais que beaucoup de marques ou d’entreprises traitaient le support téléphonique comme une fonction subalterne servie par des gens qui n’ont aucun plaisir à faire ce métier en leur demandant d’ânoner bêtement des questions/réponses devant leur écran d’ordinateur (je le sais, j’ai fait ça pendant un an pour Orange, il y a fort fort fort longtemps).

    Et j’ajoutais que si Apple (ou, par exemple, la MAIF, que je trouve exemplaire à ce sujet) arrivaient si bien à satisfaire leurs clients/usagers hors web, c’est tout simplement parce que ces deux sociétés ne considéraient pas le canal téléphonique comme un truc hasbeen qu’il faut faire par nécessité, mais comme un canal aussi noble et respectable que le numérique. Et que les collaborateurs travaillant dans ces sociétés n’étaient sûrement pas traités comme des bêtes de sommes de la relation client/usager, mais comme des personnes investies d’une véritable mission, avec l’autonomie qui en découle.

    Je me trompe peut-être, mais si je devais mettre en place un service client humain, c’est comme cela que je m’y prendrai. Et j’attacherai autant d’importance à ces parcours qu’à mes parcours numériques. En y pensant, non comme un canal à part, mais comme un tout dans lequel l’interlocuteur humain serait un moyen comme un autre de parvenir à un objectif pour l’utilisateur.

    Le faux surcoût de l’humain

    Vous me direz : « ça coûte cher ! »

    Oui, l’humain, ça coûte plus cher qu’un algorithme et de la bande passante, mais la qualité aussi coûte cher. Et la qualité, c’est ce que nous voulons fournir, pas montrer au monde que nous avons entièrement numérisé un service. L’objectif, ça n’est pas la numérisation. L’objectif, c’est de délivrer un bon service en intégrant le mieux possible l’humain et la machine. Mais, on a trop tendance à penser les choses séparément. Pour une mauvaise raison : les UX designers travaillent rarement de concert avec les équipes humaines en charge de la relation client/usager. Ça n’est pas dans leur culture… et c’est, j’ai l’impression, rarement prévu dans l’organisation de l’entreprise…

    Autrement dit, les UX designers, les devs, créent leur produit, leur logiciel avec son interface, et mettent par endroit des petites prises (comme des prises électriques) en disant au service client : « C’est là que vous pourrez vous brancher »… mais sans se demander ni savoir si cela aura une cohérence avec l’UX numérique, ni si cela se complète réellement, ni s’il y aura une interaction entre les deux mondes (par exemple, il est toujours frustrant d’appeler un ecommerçant qui ne sait pas que vous êtes sur son site avec des produits dans votre panier et que vous avez besoin de son aide pour finaliser une commande)…

    Ce n’est pas en demandant aux utilisateurs de s’adapter qu’on fournira un meilleur service

    Le rôle de l’UX est bien de prendre en compte tous les utilisateurs, autant dans leur diversité que dans leurs défauts spécifiques. Et je trouve qu’on devrait plus réfléchir à la conception d’application en prenant en compte ce spectre de variabilité au sein de la communauté des utilisateurs/clients d’un produit numérique. Et c’est d’ailleurs en en prenant compte, et pas en se disant que les clients/usagers s’adapteront, que l’on créera les meilleurs produits numériques.

    Créer un bon produit numérique n’est pas créer un produit avec des interfaces ludiques et amusantes, belles et engageantes, bien programmées avec la dernière technologie en date… non, créer un bon produit numérique, c’est créer d’abord un service, dont le numérique est une composante, en se posant bien la question de la manière dont les utilisateurs du service vont l’aborder… Vous seriez étonné de savoir qu’il n’y a pas qu’une seule manière, et pas qu’une seule sorte de gens.

    Concevoir un bon service numérique nécessite de regarder en face ce qu’on a peut-être pas envie de voir.

    Il y a ici peut-être une vérité assez douloureuse à dire, mais qu’on se la dise quand même. Les gens qui conçoivent des produits numériques sont pour la plupart des personnes jeunes, éduquées, se ressemblant assez socialement, constituant même une véritable classe au sens classe sociale telle qu’aurait pu la définir Marx, et l’idée même de concevoir des parcours pour des gens qui ne leurs ressemblent pas, leur sont éloignés par les capacités, le niveau de vie, les usages ou l’âge, constitue une épreuve supplémentaire pour eux. Certes, je le vois sur les réseaux, la communauté UX s’est largement emparée des sujets d’accessibilité ou d’inclusion. Pour autant, les parcours utilisateurs créés par cette communauté reflète-t-elle vraiment cette aspiration ou cette volonté de bien faire ?

    Il y a 3 ans avec Wexperience, nous nous étions beaucoup intéressés au sujet de l’accessibilité, et avions commis quelques articles et conférences. Nous avions formé notre équipe, devs et designers, et avions largement relayé auprès de nos clients la possibilité d’intégrer cette dimension à la conception de leurs interfaces. Beaucoup de reconnaissance avait accompagné cette démarche, mais, dans les faits, elle resta lettre morte, même si nous poussons encore parfois des tests utilisateurs, en incluant des personnes handicapés dans nos panels de testeurs, il reste difficile de faire évoluer la prise en compte d’utilisateurs « différents » par rapport à la masse.

    Oublier la relation humaine dans le numérique : un manque professionnel

    Le problème de ne pas intégrer les parcours humains dans les parcours numériques n’est pas qu’un problème économique, mais aussi, je pense, un peu, un problème culturel et une forme de paresse et un manque de volonté d’aller jusqu’au bout. Et nous en sommes tous un peu responsables, nous les designers, mais aussi nos commanditaires, car nous avons toujours le souhait d’aller au plus vite, au plus simple. Mais dès qu’il s’agit de sortir de « nos rails », de nos interfaces, de nos écrans, nous sommes pris d’une léthargie fatale qui affecte, en bout de chaîne, les plus démunis face au numérique.

    Nous le savons, mais il semblerait que pour nous en soyons convaincus vraiment nous devions en éprouver les conséquences dans leurs manifestations les plus désagréables : l’impuissance des utilisateurs, leur colère, et pour finir la haine des services numériques.

    Les métiers de l’UX ont pris beaucoup de place dans la conception de produits et services numériques. J’eus l’occasion d’en discuter avec le responsable UX d’une grande enseigne de distribution récemment qui a vu les effectifs de son équipe se quintupler en à peine deux années, et qui m’affirmait à quel point toute la division numérique dont il faisait partie prenait de l’importance au sein du staff du siège de l’entreprise, au point de devenir la force prédominante de transformation de cette entreprise. Ce n’est donc pas un manque de moyens qui nous impose de ne pas penser à l’humain, mais bien un manque d’ambition et un aveuglement coupable.

    Conclusion : apprenez VRAIMENT à penser pour les deux mondes, le physique et le numérique

    Le numérique est en train de s’immiscer au sein de toutes les structures humaines en y apportant des économies d’échelles conséquentes dans le façon de produire des services. Pendant quelques années, la croyance que le tout numérique allait nous épargner la conservation d’équipes humaines pour assurer la relation client prédominait, puis on a découvert (alors que nous le savions déjà) qu’il n’était pas possible de numériser entièrement des services et qu’il fallait non seulement conserver des humains au sein des parcours clients/usagers, mais en plus de cela, en faire une dimension indispensable de ce service.

    Un jour, pourrons-nous échanger des blagues avec les robots pizzaiolos.

    Sans humain, pas de services… on ne pourra jamais demander à un robot pizzaiolo échanger des blagues avec vous pendant qu’il vous prépare une Margharita… et c’est non seulement dommage, mais ça serait aussi une erreur de ne pas pouvoir le permettre. Parce que l’humain cherche constamment de l’humain dans tous les services qu’il utilise. Non pas pour le plaisir, mais parce qu’il en a besoin. Parce que c’est vital pour lui.

    Concevoir un service en y intégrant du numérique doit donc absolument prendre en charge les nombreux cas d’utilisateurs qui non seulement sont rebutés par le numérique, mais ne peuvent tout simplement pas y accéder comme la moyenne. Mais plus encore : ne considérez jamais qu’une app, une FAQ, un chatbot pas très intelligent ou une hotline vocal remplaceront efficacement un humain pour assurer une qualité intégrale de service. L’humain est un rouage essentiel de la machine ! 🙂 Ne vous y trompez pas. Et plus encore quand il s’agit d’assurer des services de mission publique, universelle par définition, dont il est interdit d’exclure qui que ce soit.